L’après-Wadi El Jary tarde à se dessiner. Les élections (acte 2) se tiendraient cette fois sous l’œil vigilant de la Fifa. Candidats affichés et autres discrets, enjeux sportifs et économiques considérables, tractations dans les coulisses, peut-on espérer une restructuration et un rebond du football tunisien ?
La Fifa a été claire envers le bureau fédéral sortant et «reconduit» par l’instance internationale : le 20 mai est le dernier délai pour installer un nouveau bureau fédéral élu. Cela suppose bien que les élections devraient avoir lieu un peu plus tôt pour les délais des recours. L’opinion sportive tunisienne s’interroge encore si ces élections vont enfin avoir lieu après l’échec de l’acte 1 (rejet des trois listes en lice), ou est-ce que l’on aura encore une fois un rejet de listes et par conséquent une reconduction forcée pour le bureau sortant. D’après les éléments dont nous disposons, cette fois on va avoir des élections avec un changement de décor par rapport à l’acte 1. La Fifa est aux aguets et suit tout le processus électoral fédéral au niveau des délais, des règlements et des décisions. La FTF, avec tout son poids économique et institutionnel sur le football tunisien, s’apprête à tourner la page Wadi El Jary, incarcéré et obligé de quitter la scène. Comment cette page va être tournée, avec quels personnages et avec quel scénario ? Ça se cogite et se tisse doucement en ce moment et dans des coulisses chaudes et bien bouillantes.
L’acte 2 serait différent
Après le rejet des trois listes dans l’acte 1 avorté des élections, d’autres personnages sportifs connus et moins connus en ont profité pour déclarer leur candidature. Zyed Tlemçani, ancien joueur et dirigeant de l’EST, a affirmé sa présence, alors que Maher Ben Aïssa, Naoufel Letaief et Jalel Tekaya, les trois têtes listes rejetées, ne se sont pas prononcés, mais il y aura au moins un de ce trio qui va tenter de nouveau sa chance, en la personne de Maher Ben Aissa. On parle aussi et avec persistance de Wassef Jelaiel, actuel président de la FTF par intérim, et qui dirige de fait les affaires fédérales. Avec des relations privilégiées avec le ministère des Sports, il reste un candidat possible lui qui n’a jamais nié ses ambitions.
Venons-en aux élections. Eventuellement, l’acte 2 des élections serait différent de l’acte 1 pour deux raisons : les candidats auront connaissance des vices de forme et de fond qui ont fait échouer leurs listes. Et puis aussi, la liste des candidats à la présidence devrait changer et, par conséquent, la course elle-même et le paysage électoral de ces élections vont aussi changer. Les alliances vont devoir aussi muer si de nouveaux candidats plus blindés et mieux soutenus entrent en course. C’est que les élections de la FTF ont été toujours basées sur les alliances et les tractations entre les listes et les clubs votants. Celui qui offre mieux, celui qui a plus de relations avec les clubs semi-professionnels et amateurs (le collège le plus lourd en nombre de voix) et celui qui arrive à gérer les coulisses du jour du vote (attirer les votants de dernière minute qui hésitent à choisir), c’est celui gagne. Et pas forcément celui qui a le meilleur programme électoral et les meilleurs compétences qui obtient la confiance des clubs. Dans un paysage footballestique marqué par les dépassements en tous genres, les connivences et jeux des intérêts personnels au détriment du football et des footballeurs, les élections se réduisent souvent à une surenchère où celui qui offre plus remporte la cagnotte !
Les chantiers en attente
La FTF gère des clubs amateurs, semi-professionnels et professionnels, sans oublier les sélections hommes et dames, un réseau complexe de ligues régionales, le secteur de l’arbitrage, le département marketing et communication, les droits TV et le département Direction technique. C’est pourquoi, elle reste l’institution sportive la plus puissante et la plus alléchante et rentable avec des dotations élevées qui atteignent plus de 50 millions de dinars rien que si l’équipe de Tunisie passe au Mondial ! Cela en tenant compte du concours précieux de la Fifa dans les dernières années des temps de Wadi El Jary au niveau des projets d’infrastructure sportive et médicale. Au niveau financier, la FTF n’a pas de soucis avec des rentrées élevées et des revenus publicitaires conséquents même si côté droits TV, les créances envers la télévision semblent carbonisées après le dernier accord. Cette bataille farouche pour se porter candidat et gagner par les urnes n’a pas qu’une explication sportive et sociologique (notoriété et crédit social au vu de la place qu’occupe aujourd’hui le football dans notre société), mais aussi économique. Les clubs savent que la FTF peut être encore plus rentable et peut leur allouer plus de ressources et d’assistance. Reste alors si la FTF, via le prochain bureau élu, saura sortir du marasme dans lequel se trouve le football tunisien à tous les niveaux : infrastructure, résultats faibles des sélections, fuite de cadres techniques, désertion des stades, clubs en faillite. C’est que l’on vit un paradoxe incompréhensible : d’une part, une FTF rentable, et d’autres part, des clubs endettés et en panne de finances stables. Ce sont des chantiers vastes et des réformes que personne n’a voulu entamer, mais pour le moment, l’heure est à la bataille électorale et tout que cela cache comme efforts et chassé-croisé pour courtiser des clubs–votants qui ont souvent voté pour les candidats les plus rusés et les plus courtisans et non les plus compétents pour améliorer les affaires du football tunisien.